Par Ginny Messina, traduction libre de l’anglais, publié le 11 avril 2016.
Vous pouvez lire l’article original ici : http://www.theveganrd.com/2016/04/vegan-diets-are-safe-for-children.html
La semaine dernière, le Wall Street Journal faisait un reportage sur une garderie à Jersey City, au New Jersey, qui offre à ses tout-petits un menu exclusivement végétal. L’article m’a fait grimacer. Il faisait paraître le végétalisme comme étant un peu débile, comme s’il s’agissait d’une quelconque diète élitiste qui privait les enfants de pouvoir manger des cupcakes dans les fêtes d’anniversaire. Mais le pire, c’est que jamais il n’a été mentionné que ce régime était sûr. Par contre, un article dans le magazine Slate l’a pourtant remis en question. La journaliste scientifique Melinda Wenner Moyer mentionnait qu’elle ne pouvait s’empêcher de se questionner à savoir : est-ce que les enfants peuvent s’assurer d’avoir un apport de nutriments suffisant avec un régime végétalien ?
Une façon de le savoir aurait été de demander à des experts en nutrition végane. Par exemple, Mme Moyer aurait pu appeler le Dr. Reed Mangels, qui a un doctorat en nutrition et qui enseigne à l’Université du Massachusetts et qui en plus est une experte en nutrition pédiatrique végane (elle a aussi élevé ses enfants sur un régime alimentaire végétalien). L’auteure aurait également pu demander conseil avec n’importe quel au diététicien associé avec le Groupe de Nutrition et Diététique Végétarien, qui fait partie de l’Académie de la Nutrition et de la diététique. Elle aurait aussi pu parler à différents parent végétaliens, comme celle de mon ami Matt Ball. Sa fille Ellen, qui est végétalienne depuis la naissance, est maintenant une jeune adulte et elle excelle en tant qu’athlète et étudiante sans n’avoir jamais consommé de protéines animales.
Mais l’article de Slate ne mettait pas tant l’emphase sur la façon de déterminer si les enfants végétaliens ont ou non tous les nutriments dont ils ont besoin, mais plutôt sur la difficulté de réaliser un tel projet. On peut avoir une certaine idée de ce que ça veut dire pour certains… De la recherche qui date un peu, mélangée avec un soupçon de mauvaise information nutritionnelle, sans parler d’observation sans pertinence sur des patterns d’alimentation végétalienne / végane, mélangé avec quelques commentaires absurdes sur la nourriture végétale (parce oui, nous mangeons sûrement tous du pain au boulgour et aux noix de Grenoble) et vous êtes bon pour la route.
Voici quelques réponses à quelques énoncés de cet article.
“Une étude a démontré que les enfants qui ont été végétaliens avant l’âge de 6 ans et qui étaient majoritairement carencés en vitamine B12 durant cette période démontraient des problèmes cognitifs à l’adolescence […]”
Ceci est une référence obligatoire à toutes études sur les enfants étant élevés sur une diète macrobiotique durant les années ’80. Il n’y a aucune surprise à voir que ces sujets présentaient les effets d’une carence en B12. Cela n’a aucune pertinence avec les enfants végétaliens du 21e siècle consommant des aliments enrichis (qui sont beaucoup plus abondants sur le marché qu’il y a 30 ans) ou prenant les suppléments alimentaires appropriés.
“Et même si on atteint les bonnes recommandations, les enfants végétaliens ont tendance à être plus petits et plus maigres que leur congénères consommateurs d’animaux.”
C’est vrai, ils sont un peu plus petits. À peine quelques millimètres plus petits. L’étude en question, qui date de 1989, déclare que les enfants végétaliens ont atteint leur croissance adéquate vers l’âge scolaire avec d’insignifiantes différences par rapport à la grandeur(1). Le fait qu’ils soient plus petits lorsqu’ils sont des tout-petits peut être à la tendance d’être majoritairement nourris au sein. Résultat ? La croissance des enfants nourris avec du lait maternel est plus lente comparativement aux enfants nourris avec du lait maternisé.
“De plus, les enfants végétaliens ont tendance à consommer moins de gras que ceux qui ne le sont pas.”
Est-ce que la quantité de gras que les enfants omnivores sont supposés consommer se trouve à être la quantité optimale pour les enfants ? L’apport de lipides chez les enfants végétaliens se situe autour de 31% des calories, ce qui est à peine comparable à une diète faible en gras(2). De plus, il est assez facile de stimuler l’apport en lipides des enfants en incorporant des beurres de noix par exemple.
“Les aliments riches en vitamine D incluent les laits enrichis, les poissons gras et les œufs, ce que les végétaliens/véganes ne consomment pas. “
Les enfants végétaliens boivent des laits enrichis, ce n’est tout simplement pas du lait de vache ! Les végétaliens vont chercher leur vitamine D de la même façon que tous les omnivores : avec des aliments enrichis, des suppléments et avec le soleil. Le poisson ne devrait pas être considéré comme étant une source fiable pour s’assurer d’un apport suffisant de vitamine D au quotidien et serait particulièrement inadéquat pour les tout-petits et les enfants d’âge préscolaire(3).
“Les recherches suggèrent qu’une déficience en fer ayant pour résultat une anémie ferriprive lors de l’enfance pourrait laisser à long-terme des séquelles potentiellement permanentes au niveau neuro-cognitif. ”
L’anémie ferriprive est assurément un sérieux problème de santé publique. Mais ce n’est pas une problématique qui est unique aux enfants végétaliens. Au contraire, en ce qui concerne les tout-petits, un excès de lait de vache est même un risque d’avoir un faible apport en fer(4). Remplacer le lait de vache avec des aliments à base de végétaux pourrait en fait favoriser l’apport en fer. Oui, les parents de jeunes enfants végétaliens doivent s’assurer que leur progéniture consomme de généreuses portions d’aliments riches fer et de vitamine C, qui favorise l’absorption du fer. Certaines recherches suggèrent même que les enfants végétaliens consommeraient plus de fer et de vitamine C que leurs congénères omnivores(2).
“La majorité des aliments d’origine animale contiennent tous les acides animés mais plusieurs aliments à base de végétaux n’en contiennent que très peu ou certains sont carrément manquants. ”
L’idée que certains aliments végétaux ne contiennent absolument pas d’acides animés est tout à fait fausse. Toutes les plantes contiennent tous les acides aminés. Elles sont, par contre, parfois faibles en certains acides aminés. Les enfants et les tout-petits peuvent en bénéficier pleinement en combinant des protéines – céréales et légumineuses- à chaque repas même si cet exercice n’est pas requis pour les adultes à tous les repas. Voici quelques exemples : du beurre d’arachide sur des craquelins, un pita trempé dans l’hummus, etc. Ce n’est pas si ardu à réaliser et tout le monde y trouve son compte, même les fines bouches.
“De plus, les aliments végétaux sont riches en oxalates, une substance qui inhibe l’absorption du calcium.”
Cet énoncé donne l’impression que tous les végétaux sans exception sont bourrés d’oxalates. Ils ne le sont pas. Pas plus que les oxalates sont l’unique facteur d’une mauvaise absorption du calcium. Ce qui expliquerait pourquoi le calcium dans certains légumes est doublement plus efficace en frais d’absorption que le calcium que l’on retrouve dans le lait de vache, tout comme le calcium dans les produits du soya, qui contiennent des oxalates ET des phytates (5).*
Le régime végétalien est sans danger.
Si vous lisez régulièrement ce blogue, vous savez que je ne suis pas du genre à ignorer les inquiétudes reliées à un régime tout végétal. Il existe bel et bien des défis afin d’atteindre tous les besoins nutritionnels en ayant un régime qui n’est pas majoritaire au sein de notre culture. Les parents d’enfants végétaliens se doivent d’être vigilants en ce qui concerne certains nutriments. Parfois, faire de bons choix exige des efforts supplémentaires. La courbe d’apprentissage n’est pas toujours significative mais la diète végétalienne peut rencontrer les apports recommandés. Autant les enfants que les adultes végétaliens peuvent bien se porter. Ce qui implique pour ceux qui ont le privilège de choisir ce qu’ils mangeront que la seule excuse pour manger des aliments d’origine animale est de le faire par plaisir et/ou pour sa commodité. Les articles remettant en question le fait qu’il pourrait être dangereux d’avoir un régime végétalien se fient sur de l’information qui n’est plus à jour ou sur une trop faible compréhension de la science de la nutrition.
*NDT : Les phytates sont majoritairement présents dans les légumineuses. Ils peuvent être considérablement réduits en faisant tremper, germer ou fermenter celles-ci. Pour les oxalates, présents surtout dans les légumes verts, les faire légèrement cuire peut réduire leur teneur en oxalates. Il est également possible de se supplémenter en calcium/magnésium pour mettre toutes les chances de son côté(6).
Références
1. O’Connell JM, Dibley MJ, Sierra J, Wallace B, Marks JS, Yip R. Growth of vegetarian children: The Farm Study. Pediatrics 1989;84:475-81.
2. Sanders TAB, Manning J. The growth and development of vegan children. J Human Nutr Diet 1992;5:11-21.
3. Lu Z, Chen TC, Zhang A, Persons KS, Kohn N, Berkowitz R, Martinello S, Holick MF. An evaluation of the vitamin D3 content in fish: Is the vitamin D content adequate to satisfy the dietary requirement for vitamin D? J Steroid Biochem Mol Biol 2007;103:642-4.
4. Ziegler EE. Consumption of cow’s milk as a cause of iron deficiency in infants and toddlers. Nutr Rev 2011;69 Suppl 1:S37-42.
5. Weaver CM, Heaney RP, Connor L, Martin BR, Smith DL, Nielsen E. Bioavailability of calcium from tofu vs. milk in premenopausal women. J Food Sci 2002;68:3144-3147.
6. http://besynchro.com/blogs/blog/13531957-oxalates-phytates-and-saponins-the-secret-anti-nutrients-antinutrients-in-healthy-foods
Un ouvrage assez complet à ce sujet: Bébé veggie http://www.laplage.fr/ecologie/Parents-Enfants/Bebe-veggie_0003_278_.html